Le secteur de la philanthropie connaît une progression constante depuis vingt ans en France. Pour preuve, le nombre de fondations et fonds de dotation a plus que doublé depuis 2001 pour s’élever à environ 5000 en 2021(1), et la générosité des Français – entreprises comme donateurs particuliers – est évaluée à 8,5 milliards d’euros(2). L’initiative Changer par le don a vu le jour dans ce contexte pour encourager davantage la générosité des personnes les plus aisées afin qu’elles s’engagent à donner au moins 10 % de leurs revenus annuels ou de leur patrimoine à des causes philanthropiques.
Dans cet entretien, Croisine Martin-Roland, experte en accompagnement philanthropique chez Société Générale Private Banking, vous emmène à la rencontre de Denis Duverne, l’un des philanthropes à l’origine de Changer par le don.
Denis Duverne
Denis Duverne a été Président du Conseil d’Administration d’AXA de 2016 à avril 2022. Il a débuté sa carrière au ministère des finances, à la direction générale des impôts, puis au Consulat Général de France à New York et au service de la législation fiscale. Il rejoint ensuite la Compagnie Financière IBI, puis le comité exécutif de la Banque Colbert. Il intègre AXA en 1995 et occupe diverses fonctions exécutives au sein du groupe, notamment comme directeur financier puis directeur général délégué. Il est senior advisor de la société de gestion Iris, président de la Caisse de Refinancement de l’Habitat et Président de la Fondation pour la Recherche Médicale. Denis Duverne est diplômé d’HEC et de l’ENA.En 2018, aux côtés de Serge Weinberg (président de Sanofi), il lance l’initiative Changer par le Don pour encourager le développement de la philanthropie privée en France.
Denis, pourriez-vous nous parler des racines de votre engagement en tant que chef d’entreprise ?
Les entreprises, en particulier les plus grandes, ne sont plus légitimes aux yeux de leurs collaborateurs et de leurs clients si, au-delà de leur performance économique, elles ne manifestent pas le souci du bien commun. Chez AXA, dont le métier est la protection des clients, de leurs biens et de leur santé, cela nous a conduits à nous engager fortement sur le thème du changement climatique, de la lutte contre le tabac, de l’assurance inclusive et de la diversité. Et nous l’avons fait en créant le Fonds AXA pour la Recherche, en modifiant notre politique d’investissement et nos règles de souscription.
Vous avez lancé en France, avec Serge Weinberg, une initiative pour dynamiser la « grande philanthropie » : Changer par le don. Pourriez-vous partager avec nous la genèse de ce projet et son ambition ?
Ce projet a trouvé son inspiration dans le Giving Pledge(3) de Bill Gates et Warren Buffett et plus largement dans le constat que la philanthropie est beaucoup moins développée en France qu’elle ne l’est dans les pays anglo-saxons. L’argument souvent donné est que cela s’explique par le fait qu’en France, il existe une tradition forte d’État providence. Mais on en voit bien les limites : nous avons la dépense publique et les pressions fiscales les plus élevées du monde et en même temps un système éducatif qui n’assure plus l’égalité des chances ainsi qu’un un système de santé à bout de souffle pour ne prendre que deux exemples.
À côté de cela, le monde associatif est très innovant, agile, proche des personnes fragiles et apporte des solutions que l’État ne peut seul apporter. Les associations ont besoin de notre soutien financier mais aussi de notre temps et de nos compétences. Changer par le don, c’est à la fois contribuer au bien commun en soutenant les associations et se changer soi-même au contact du monde associatif.
Vous êtes également président de la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM)(4) : à votre avis, la générosité privée est-elle indispensable au financement de la recherche ?
La générosité privée apporte entre 15 et 20 % des ressources de la recherche publique en France(5). C’est donc un soutien très important. Interrogez un directeur de recherche en fin de carrière et il vous dira à quel point l’apport des fondations privées comme la FRM a été crucial dans son parcours. Nous finançons beaucoup les jeunes chercheurs qui ne sont pas encore sur des postes titulaires et nous lançons des appels à projet sur des thématiques fondamentales pour l’avenir de notre santé comme les maladies neurodégénératives ou le lien entre santé et environnement, en encourageant la pluridisciplinarité pour explorer des avenues inexploitées.
Quels conseils pourriez-vous prodiguer à un philanthrope qui souhaite initier une démarche philanthropique ?
Rencontrez des philanthropes qui ont déjà de l’expérience, choisissez une ou deux thématiques qui vous tiennent à cœur, si possible associez vos enfants à vos réflexions et laissez parler votre cœur.
Pour en savoir plus sur Changer par le don, vous pouvez consulter le site dédié en cliquant ici(6).