La procédure de l’abus de droit(1) permet à l’administration fiscale d’écarter les dispositifs présentant un caractère fictif ou dont l’objectif, en recherchant le bénéfice de l’application littérale d’un texte contraire à l’esprit du législateur, est d’éluder ou d’atténuer l’impôt que le contribuable aurait dû supporter.
L’administration peut appliquer, en plus de la rectification d’impôts, une majoration de 40 %, voire de 80 %, des droits mis à la charge du contribuable.
En cas de désaccord sur les rectifications notifiées, le contribuable peut soumettre le litige à l’avis du Comité de l’Abus de Droit, organe indépendant composé d’experts (conseillers d’État, avocats, professeurs d’université, etc.), possibilité également ouverte à l’administration.
Les avis rendus par ce Comité sont déterminants pour fixer la charge de la preuve : si l’administration fiscale ne se conforme pas à l’avis du Comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement ; à l’inverse, lorsque l’imposition a été établie conformément à l’avis du Comité, la charge de la preuve incombe au contribuable.
En 2023, le Comité a examiné 10 affaires dont 9 afférentes à des litiges de nature patrimoniale, portant notamment sur des donations requalifiées en donations déguisées ou fictives.
Le Comité a ainsi examiné une affaire dans laquelle l’administration avait considéré comme étant fictive une donation, réalisée en avance successorale, de la nue-propriété d’une somme d’argent faute notamment pour le donateur de disposer de liquidités suffisantes au jour de la donation. Ainsi, une donation devant impliquer le dessaisissement immédiat et irrévocable du donateur au profit du donataire, le Comité a conclu que la donation devait être considérée comme fictive à hauteur de la différence entre le montant de la donation et les sommes d’argent disponibles au jour de l’acte, et que celui-ci ne pouvait conduire à la constatation d’une dette déductible de l’actif successoral. Il est à ce titre intéressant de noter que cette décision a conduit le législateur, dans la loi de finances pour 2024, à prévoir la taxation lors de la succession de la dette de restitution du quasi-usufruitier.
Dans une autre affaire, le Comité a confirmé l’existence d’un abus de droit dans le cas où un contribuable avait procédé à la donation au profit de sa fille mineure de la nue-propriété des titres d’une société, le contribuable et sa fille procédant ensuite à la cession des titres. Le contribuable avait conclu une convention de quasi-usufruit lui permettant de disposer du produit de cession des titres donnés, lui permettant de financer l’acquisition de sa résidence principale. Ainsi, le caractère abusif de l’acte peut être retenu en l’absence de dessaisissement définitif de la chose donnée, ou dans l’hypothèse où le donateur se réapproprie, directement ou indirectement, les sommes données.
Par ailleurs, dans une décision favorable au contribuable, le Comité a jugé que l’appréhension des réserves d’une société par son associé par voie de réduction de capital n’était pas nécessairement constitutive d’un abus de droit. L’administration fiscale, quant à elle, estimait que le caractère abusif découlait de la fiscalité plus favorable de la réduction de capital face à celle afférente à la distribution de dividendes. Le Comité a rappelé que le choix de la voie fiscale la moins imposée ne permet à lui seul de caractériser l’abus de droit et la réduction de capital était au cas particulier justifiée par des circonstances de faits, cette opération permettant de diminuer les capitaux propres de la société et de réduire sa valeur, s’inscrivant dans le cadre de la préparation de la transmission de l’entreprise.
Les opérations patrimoniales ne peuvent donc être réalisées à l’aune exclusive de l’avantage fiscal qu’elles procurent, mais se doivent de présenter des objectifs et conséquences autres (financiers, patrimoniaux, etc.).