La finance éthique et la finance durable représentent deux étapes majeures dans l’évolution du système financier mondial vers des pratiques plus responsables et durables. Cette transition n’a pas été soudaine, mais plutôt le résultat d’une série d’évènements et de prises de conscience au fil des décennies.
La naissance de l’investissement responsable remonte à 1928, aux États-Unis, lorsque les premières réflexions sur les principes éthiques des entreprises émergent. C’est notamment le cas du mouvement protestant des « Quackers » qui influence directement l’initiative « Pioneer Fund ». L’objectif était de proposer des placements financiers excluant certains produits jugés immoraux comme le tabac, l'alcool, le jeu ou l'armement.
Mais l’histoire de la finance éthique débute réellement lors du mouvement de responsabilité sociale des entreprises (RSE) au cours des années 1960. À cette époque, les consommateurs et les investisseurs ont commencé à remettre en question les pratiques commerciales traditionnelles, notamment en ce qui concerne les droits de l’Homme, l’environnement et la gouvernance d’entreprise. Ces préoccupations ont conduit à la création des premiers fonds d’investissement socialement responsables (ISR), qui cherchaient à aligner les objectifs financiers avec des considérations éthiques.
En 1962, après le premier boycott économique organisé par les Nations Unies contre l’apartheid, les exclusions des portefeuilles d’investissement deviennent une pratique répandue et jouent un rôle crucial dans le développement de la finance éthique. C’est le cas en 1971, lorsque deux pasteurs méthodistes, sur fond de contestation de la guerre du Vietnam, lancent le « Pax World fund », rejetant les entreprises liées au secteur de l’armement.
Ainsi, dans les années qui ont suivi, de nombreuses institutions financières ont commencé à exclure de leurs portefeuilles les investissements liés à des secteurs controversés tels que le tabac, les armes et les industries extractives. Cette approche axée sur l’évitement des entreprises impliquées dans des activités controversées a permis aux investisseurs de mieux aligner leurs valeurs avec leurs portefeuilles.
En 1972, le fameux rapport « Meadows – the limits to growth » pose pour la première fois la question de la croissance économique dans les limites finies de la planète. Cependant, ce n’est que plus tard que la prise de conscience écologique a réellement pris de l’ampleur. Cette évolution a été favorisée par une série de catastrophes environnementales et sociales, telles que les marées noires avec notamment le naufrage du pétrolier Amoco Cadiz sur les côtes bretonnes et les scandales de gouvernance d’entreprise. Ces évènements ont mis en lumière les risques associés à une approche strictement financière de l’investissement et ont fait prendre conscience aux entreprises que la gestion des risques environnementaux peut limiter les chutes de valeur pouvant mettre en risque leurs actionnaires.
La montée de la RSE a également contribué à mettre l’accent sur la responsabilité des entreprises envers la société et l’environnement. Le critère de bonne gouvernance apparaît à l’occasion de l’un des plus gros scandales de fraude de l’histoire : la faillite de l’entreprise Enron en 2001, alors classée 15ᵉ entreprise mondiale. L’ampleur des pertes financières subies par ses actionnaires est colossale et accélère la montée de l’analyse extra-financière.
On constate alors que de plus en plus d’entreprises intègrent des considérations ESG (Environnementales, Sociales et de Gouvernance) dans leur stratégie commerciale, reconnaissant l’importance croissante de ces questions pour les parties prenantes et les investisseurs. Cette tendance a été soutenue par des initiatives telles que les Principes Directeurs des Nations Unies pour l’investissement responsable en 2004, qui ont encouragé les entreprises à adopter des pratiques plus durables.
L’intégration des critères ESG en tant que cadre d’analyse des risques et des opportunités a marqué une étape importante dans l’évolution de la finance éthique vers la finance durable. Les critères ESG fournissent aux investisseurs une méthodologie systématique pour évaluer les performances non seulement financières, mais aussi sociales et environnementales des entreprises. Cette approche intégrée permet aux investisseurs de prendre des décisions plus éclairées et de mieux gérer les risques à long terme.
C’est à la suite de la définition des 17 Objectifs du Développement Durable (ODD) des Nations Unies en 2015, que l’on commence à voir des entreprises communiquer sur leur contribution positive au développement durable. Les ODD deviennent en quelques années un véritable cadre de référence sur lequel s’appuient les États, les entreprises, les financeurs et les investisseurs.
De plus, la réglementation européenne pour le secteur de la finance a pour objectif de mettre en avant la transparence sur les produits durables avec notamment l’obligation pour les gérants d’indiquer la part des activités durables ou environnementales contenus dans les portefeuilles. Même s’il n’est pas toujours aisé de définir en quoi une activité est durable, notons que le principe d’être contributif au développement durable ou à l’une de ses composantes, sans nuire aux autres composantes, a été retenu.
Malgré les progrès réalisés, les défis tels que la mesure de l’impact ESG et l’engagement des parties prenantes continuent de représenter des obstacles à une transition complète vers une finance véritablement durable. Il est donc crucial que les acteurs de l’industrie continuent à collaborer et à innover pour les surmonter et créer un avenir financier plus éthique, équitable et durable pour tous.