Pour valoriser leurs incontestables atouts, les entreprises familiales doivent plus encore que les autres mettre en place une gouvernance adaptée. Valérie Tandeau de Marsac, avocate et docteur en sciences de gestion, répond aux questions de Julie Boussin, directrice de l’ingénierie patrimoniale et financière chez Société Générale Private Banking France.
Valérie Tandeau de Marsac
Diplômée de HEC (1982) et avocate (depuis 1996), Valérie Tandeau de Marsac a choisi en 2010 de se spécialiser dans l’accompagnement des entreprises familiales et des familles entrepreneuriales. Son cabinet VTM Conseil FamilyBusinessLaw imagine et met en œuvre des solutions d’ingénierie juridique et fiscale au service des actionnaires et des chefs d’entreprise, start-up, repreneurs ou entreprises familiales (PME(1), ETI(2) ou grands groupes). Engagée pour l’équilibre Femmes/Hommes dans les médias, Valérie Tandeau de Marsac est aussi fondatrice et Présidente de voxfemina – Paroles d’experts au féminin, association créée en 2010 pour promouvoir la visibilité de l’expertise des femmes dans les médias.Pourquoi avoir choisi d’accompagner les entreprises familiales ?
Les entreprises familiales constituent à mon sens un modèle méconnu, alors qu’elles représentent pourtant la très grande majorité du tissu économique et pourvoient l’essentiel des emplois en France, en Europe et dans le monde entier. C’est pourquoi j’ai voulu analyser, et même modéliser, ce qui fait leur spécificité et permet d’expliquer leur surperformance, à travers un nouveau modèle des 3 « C » :
- le Contrôle, facteur de cohésion et d’indépendance,
- la Continuité, pour caractériser la perspective de long terme et la volonté de transmettre l’entreprise au sein de la famille,
- et le surcroît de Capital social, ensemble de ressources spécifiques et difficilement reproductibles qui résultent de ces deux éléments associés à l’enracinement local.
Si le lien familial peut être source de conflits, la capacité à trouver un point d’équilibre au sein de l’entreprise familiale libère une énergie très positive.
Ma mission consiste à aider les actionnaires à structurer le capital et organiser la gouvernance de l’entreprise pour en tirer le meilleur. Ce faisant, j’enrichis mon métier, qui fait écho à une vocation familiale, d’une dimension émotionnelle et entrepreneuriale absolument passionnante.
Quels conseils donneriez-vous aux entreprises familiales pour valoriser au mieux leurs spécificités, tirer parti de ces énergies positives qui leur sont propres ?
Il n’y a qu’un moyen : se saisir du sujet, et ne pas hésiter à se faire accompagner. Lorsque j’interviens, je commence par écouter chaque membre de la famille, qu’il soit ou non impliqué dans l’entreprise. Tout simplement parce qu’en vertu des lois successorales françaises, si la transmission n’est pas anticipée, chaque enfant a vocation à se retrouver actionnaire. Pour anticiper une transition générationnelle, il faut se méfier des non-dits, des croyances et des déductions implicites qui peuvent biaiser les décisions. J’aide la famille à identifier le plus petit dénominateur commun d’un accord possible de tous.
J’aide aussi à identifier et à chiffrer différents scénarios d’évolution du capital et de la gouvernance.
C’est sur cette base que l’on pourra construire un projet pour l’entreprise et pour la famille, qui pourra ensuite être décrit dans une charte familiale. À l’issue de ce processus, les solutions techniques (transmission, recomposition actionnariale…) découlent naturellement.
Clarifier les objectifs avant de choisir et mettre en œuvre les solutions techniques : voilà des principes simples qui peuvent s’appliquer à tous mais qui sont encore plus indispensables dans les entreprises familiales !
Comment inscrire les jeunes générations dans l’entreprise familiale ? Comment combiner renouvellement du modèle avec le souci de pérennité ?
Pour réussir dans la durée, l’entreprise familiale doit savoir combiner prudence et audace, se renouveler sans perdre son identité. Pour cela, il faut impliquer les jeunes générations et leur laisser suffisamment d’autonomie afin qu’elles puissent s’approprier le projet d’entreprise. Ce n’est pas toujours évident, car il faut gérer les risques de désaccord : c’est toute la complexité et la richesse de l’entreprise familiale.
Mais il n’y a pas qu’un seul rôle possible pour les jeunes générations : on peut être actionnaire d’une entreprise sans la diriger, à condition de bien jouer son rôle d’actionnaire. Comme tout investisseur, l’actionnaire familial doit veiller à ce que le couple risque/rentabilité reste pour lui satisfaisant. Si ce n’est plus le cas, il doit pouvoir trouver une liquidité, qui doit donc être organisée en amont. Mais la première génération peut également transmettre à ses enfants le goût de l’entrepreneuriat sans transmettre l’entreprise !
En parallèle de votre activité auprès des entreprises familiales, vous êtes fondatrice et présidente de voxfemina, pouvez-vous nous parler des actions de l’association ?
Malgré l’augmentation de la présence des femmes dans les médias, nous constatons que leur temps de parole reste inférieur à celui des hommes. Pour progresser vers un meilleur équilibre, nous œuvrons à identifier et présenter aux médias des femmes crédibles comme experts. Depuis six ans, nous organisons le concours Femmes En Vue : les lauréates sélectionnées par notre jury de partenaires bénéficient d’un média training et repartent avec une vidéo qui leur servira de signature audio-visuelle.