Décryptage avec Franklin Wernert, Directeur adjoint de Société Générale Private Banking France.
Un consensus autour de la démocratie libérale post Guerre froide
En 1992, le professeur américain Francis Fukuyama publiait l’un des ouvrages de philosophie politique parmi les plus importants du second XXe siècle : La Fin de l’Histoire et le Dernier homme. Quelques mois après la chute de l’Union soviétique et la fin de la Guerre froide, Fukuyama y prédisait la coruscante victoire de la démocratie libérale et de l’économie de marché, autour desquelles tendait à s’établir un consensus mondial.
De fait, les vingt années suivantes ont vu la démocratie triompher dans de nouvelles régions du monde, le libre commerce s’étendre, les chaînes de production se mondialiser, les interconnexions se multiplier. Dans ce contexte, les sujets économiques, financiers, commerciaux, technologiques ont tenu les premiers rôles, les choix politiques apparaissant évidents et consensuels à long terme. L’Union européenne a, après l’adoption de l’Acte unique en 1986 et son élargissement à l’est en 2003-2004, parfaitement illustré le consensus politico-économique à l’œuvre, porté par des forces politiques social-démocrate et démocrate-chrétienne d’accord sur l’essentiel. L’économie primait le politique.
Baisse des coûts de production, taux d’intérêt bas, croissance du commerce mondial, valorisation des actifs ont défini le paradigme économique de cette période, que l’inondation des marchés par les liquidités des banques centrales dans la décennie suivante a soutenu.
Le basculement d’un modèle mondialisé vers des intérêts régionalisés
La grande crise de 2008-2009 a toutefois enclenché une autre dynamique : repli d’une puissance américaine garante de ce consensus libéral vers ses stricts intérêts nationaux ; retour des empires, dont les guerres en Syrie, en Libye, désormais en Ukraine constituent le prologue, et d’une multipolarité subséquente ; recul de la démocratie, avec l’apparition de « démocratures », parées des atours de la démocratie mais reposant sur un autocrate et un état de droit chancelant ; remise en cause de la mondialisation, dont les effets ravageurs sur les classes moyennes et populaires occidentales nourrissent les votes contestataires ; retour en force de la régulation et de l’interventionnisme des États.
La fin des années 2010 a ainsi radicalement et durablement inversé la hiérarchie des sujets : corollaire de l’éclatement du consensus libéral, la géopolitique et la politique ont retrouvé leur primat. Les orientations économiques, financières, commerciales, technologiques en résultent.
Les thèmes éminemment politiques de la sécurité des approvisionnements, notamment énergétiques, de la reprise en main des productions stratégiques, de l’interventionnisme étatique dégagent un nouveau consensus de type souverainiste que la crise sanitaire a amplifié. Après la mondialisation, une forme de régionalisation se dessine.
Le paradigme économique s’en trouve bouleversé. La concurrence pour accéder aux matières premières et à l’énergie s’intensifie et en rechérit les prix, les normes de production s’avèrent plus exigeantes et, en conséquence, les coûts plus élevés. L’inflation, de retour après trente ans de quasi-disparition en Occident, en constitue le symptôme, affectant la politique monétaire, les choix budgétaires, mais également l’équilibre social de sociétés traversées par des inégalités approfondies depuis quinze ans.
Comment évoluer en tant qu’investisseur au sein de ce nouveau paradigme ?
Dès lors, l’horizon économique et financier apparaît plus incertain. Les actifs des différentes régions du monde devraient retrouver une forme de décorrélation de leurs valorisations. Les marchés paraissent volatils.
Aussi les investisseurs ne peuvent-ils plus se contenter des données macro et micro-économiques pour décider de leurs investissements, mais doivent-ils intégrer les paramètres politiques.
En pratique, naviguer dans cet environnement plus complexe doit à notre sens reposer d’abord sur un principe de sélectivité. Avec une inflation élevée, la préservation du patrimoine requiert une rémunération plus élevée des actifs. Ne rien faire signifie détruire de la valeur.
Au sein des géographies, des classes d’actifs, des secteurs économiques, des opportunités existent : nouvelles thématiques politico-économiques inscrites sur le long terme (réindustrialisation et circuits courts, transition énergétique, renforcement de l’appareil de défense, nouveaux enjeux de l’espace, etc.), entreprises capables de répercuter sur leurs prix les hausses de coûts de production, obligations d’État et de grande qualité, titres de rendement aux fondamentaux solides, valeurs « refuges » traditionnelles comme la pierre, l’or ou le dollar, etc.
Décrypter, sélectionner, placer au moment opportun : notre engagement, comme Banque Privée, est de vous accompagner au mieux, avec prudence et discernement, dans cet environnement incertain.
Nos experts sont à votre disposition pour vous accompagner sur ces investissements.