Avant de parler de donation d'une somme d’argent sous réserve d’usufruit, définissons une forme particulière d’usufruit, celui qui porte sur une chose consomptible, c’est-à-dire dont on ne peut pas faire usage sans la consommer (« comme l’argent, les grains, les liqueurs » précise l’article 587 du Code civil) : le quasi-usufruit.
Alors que le quasi-usufruitier dispose de la faculté de faire usage de la chose donnée et de la consommer, le nu-propriétaire détient quant à lui une créance de restitution contre le quasi-usufruitier. Ce dernier est tenu de restituer au nu-propriétaire l’équivalent de ce qu’il a reçu au titre de son quasi-usufruit.
En matière de droits de succession, la dette de restitution est déductible de l’actif successoral du quasi-usufruitier.
Dans le cadre de la Loi de finances pour 2024, le législateur est intervenu en énonçant que pour les successions ouvertes à compter de la promulgation de la Loi, le 29 décembre 2023, « ne sont pas déductibles de l’actif successoral les dettes de restitution qui portent sur une somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit » (nouvel article 774 Bis du Code général des impôts). Dès lors, la créance de restitution est soumise aux droits de succession calculés selon le lien de parenté existant entre le nu-propriétaire et l’usufruitier. Le nu-propriétaire conserve la possibilité d’imputer les droits éventuellement acquittés lors de la constitution du quasi-usufruit, sans restitution possible.
Exemple :
Un donateur âgé de 67 ans donne à son fils la nue-propriété d’une somme d’argent pour un montant de
1 000 000 € (valeur pleine propriété). Le montant des droits de donation acquittés (hors émolument du notaire le cas échéant) s’élève à 98 000 € (dans l’hypothèse où aucune donation n’a été consentie au cours des 15 dernières années).
En cas d’ouverture de la succession avant le 29 décembre 2023, la dette de restitution de 1 000 000 € a pu être déduite de l’actif successoral, venant ainsi limiter le montant des droits de succession.
Depuis la publication de la Loi de finances pour 2024, cette créance de restitution de 1 000 000 € n’est plus déductible de la succession du donateur. La somme d’argent de 1 000 000 € est taxable aux droits de succession, avec possibilité d’imputation des droits de donation acquittés de 98 000 €. Cette mesure conduit inévitablement à un accroissement des droits de succession.
Cette nouvelle disposition ne s’applique pas aux conventions de quasi-usufruit mises en place sur le prix de cession de titres ou d’immeubles démembrés non contractées dans un objectif principalement fiscal. En pareil cas, les dettes de restitution du quasi-usufruitier restent pour le moment déductibles de l'actif successoral.
Tel est le cas également s’agissant du quasi-usufruit successoral du conjoint survivant, pour lequel les dettes de restitution du quasi-usufruitier restent pour le moment déductibles de l'actif successoral.
De nombreuses questions restent en suspens, telles que le sort des distributions de dividendes attribuées à l’usufruitier ou encore le quasi-usufruit résultant du démembrement de la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie en cas de décès du souscripteur. Sur ce dernier point, si certains auteurs estiment que la restriction à la déduction successorale ne devrait pas s’appliquer, la prudence reste de mise quant au champ d’application de cette mesure dans l’attente des commentaires administratifs.
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