Dans un récent rapport, la Délégation aux entreprises du Sénat alerte devant les constats de la mission de suivi sur la transmission d'entreprise :
- jusqu'à 700 000 entreprises seront à transmettre d'ici 10 ans ;
- 25 % des chefs d'entreprise ont plus de 60 ans ;
- le nombre de cessions est en baisse malgré la modernisation du cadre législatif.
La transmission des entreprises est essentielle car, faute de repreneur, un départ à la retraite peut déboucher sur la perte des savoir-faire, des brevets, des emplois, de compétitivité et, selon les secteurs, de souveraineté économique.
En outre, la France manque d'entreprises de taille intermédiaire (ETI), pourtant essentielles en matière d'innovation, d'exportation ou pour l'emploi. Or, une PME a besoin de 21 ans en moyenne pour devenir une ETI ; son développement doit ainsi s'inscrire dans le long terme et donc le plus souvent, intégrer une perspective de reprise dans son cycle de vie.
La Délégation aux entreprises du Sénat formule onze recommandations autour de deux priorités : sécuriser les dispositifs en vigueur et simplifier les démarches de la transmission d’entreprise.
Deux recommandations sont importantes : une meilleure information des chefs d’entreprise pour leur redonner confiance dans une véritable politique publique de la transmission qu'il est urgent de mettre en œuvre ; accompagnée d’une « sanctuarisation du pacte Dutreil ».
Pour rappel, le pacte « Dutreil » est un dispositif légal qui permet de favoriser la transmission d’entreprise à titre gratuit. Sous un certain nombre de conditions (notamment un engagement de conservation des titres transmis de 4 à 6 ans(1) et l’exercice d’une fonction de direction éligible), la base taxable aux droits de donation / succession peut être réduite de 75 % ou plus : en ligne directe parent / enfant, la tranche marginale d’imposition à 45 % tombe ainsi à 11,25 % voire 5,6 % - sous certaines conditions.
Malgré les nombreuses précisions apportées par la réécriture de la documentation administrative sur le pacte Dutreil en décembre 2021, la loi et des décisions de jurisprudence ont encore émaillé l’année 2022 sur ce sujet.
1. En principe, seules les sociétés opérationnelles et les holdings animatrices sont éligibles, sous certaines conditions, à l’exonération Dutreil en cas de donation ou succession. Les holdings passives sont exclues puisqu’elles n'exercent pas d'activité opérationnelle.
Par exception, l'exonération Dutreil pourrait s'appliquer indirectement en cas de transmission de titres d’une holding passive détenant des titres d’une société opérationnelle, à condition de prendre les précautions que nous rappelle l'administration fiscale :
- Bien que celle-ci n'interdise plus à une société de prendre un engagement unilatéral de conservation, pour des raisons pratiques et de prudence, il est recommandé de faire en sorte que le chef d’entreprise détienne au moins 1 titre en pleine propriété en direct dans la filiale.
- Il ne doit pas y avoir plus de 2 niveaux d’interposition entre la holding et la société opérationnelle.
- En principe, l’exonération Dutreil s’applique sur la valeur des titres de la holding passive à proportion de la valeur de son actif brut. Celui-ci correspond à la participation dans la filiale opérationnelle dont les titres sont soumis à l'engagement collectif ou unilatéral de conservation. La Cour de cassation dans un arrêt n°19-19309 du 19 janvier 2022 vient préciser que la valeur comptable de l’actif brut doit tenir compte des plus-values latentes mais également des moins-values latentes.
2. La 1ère Loi de finances rectificative pour 2022 a précisé que la condition d’exercice de l’activité opérationnelle de la société transmise doit être satisfaite dès la conclusion de l’engagement collectif de conservation et jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation.
Les sociétés holdings animatrices sont concernées puisque ces dernières sont assimilées à des sociétés opérationnelles.
Cette mesure vient contrecarrer un arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 mai 2022 qui avait jugé que, en l’absence de précision expresse dans la loi, la condition d’exercice d’une activité éligible par la société cible devait s’apprécier à la seule date du fait générateur de l’imposition et non pendant toute la durée des engagements de conservation.
3. La transmission des titres d’une société holding mixte peut bénéficier du régime de faveur Dutreil à la condition que son activité d’animation soit prépondérante.
Pour le Conseil d’État (dans une décision n°435562 du 23 janvier 2020) et la doctrine administrative, le caractère prépondérant est retenu selon un faisceau d’indices et notamment lorsque la valeur vénale des filiales opérationnelles animées représente plus de 50 % de la valeur totale des actifs de la holding.
Dans une décision(2) du 24 octobre 2022, la Cour d’appel de Paris a accepté de faire figurer au numérateur du ratio d’animation un ensemble immobilier appartenant à la holding et affecté à l’activité des filiales opérationnelles animées.
Attention toutefois, l’administration fiscale considère qu’une filiale immobilière de la holding animatrice de groupe qui donne ses biens en location aux filiales animées reste un bien patrimonial qui ne saurait figurer au numérateur du ratio « Dutreil ».
Nos experts sont à votre disposition pour vous accompagner, aux côtés de vos conseils, dans vos réflexions de transmission.