Interview du mois

L’art d’estimer
Entretien avec Victoire Gineste, Directrice des inventaires et du développement de Christie's France

Que l'on se situe dans une perspective d'achat, de vente, de transmission ou d'assurance, l'évaluation financière des actifs tangibles de valeur qui participent au patrimoine individuel (tableaux, sculptures, mobilier design, montres, bijoux ou autres objets de collection) est essentielle et constitue la pierre angulaire des services d’Art Banking que nous orchestrons chez Société Générale Private Banking. Mais comment ces évaluations sont-elles réalisées en pratique ?

Victoire Gineste, Directrice des inventaires et du développement de Christie's France, en conversation avec Laurent Issaurat, responsable de notre service Art Banking, nous éclaire à ce sujet.


Victoire Gineste

Victoire a rejoint le département des Inventaires de Christie’s il y a plus de douze ans juste après avoir été diplômée commissaire-priseur à la suite de ses études de droit, sciences politiques et histoire de l’art.
Elle a participé à la réalisation de nombreux inventaires pour des ventes de collections et a contribué notamment à l'exceptionnelle réussite de la vente de la collection Hubert de Givenchy en juin 2022.
Elle a pris la direction du business développement en septembre 2022 et multiplie les démarches auprès des institutionnels pour appréhender l’art au même titre que tout actif patrimonial.

Laurent Issaurat : Victoire, j’aimerais vous poser la question de savoir ce qui fait vraiment, au fond, la valeur d’une œuvre d’art ou d’un objet de collection ?

Victoire Gineste :  Laurent, en la matière, une remarque préalable s’impose : attention de ne pas confondre « valeur » et « prix » d’une œuvre d’art. Il faut en effet garder à l’esprit que, ce dont nous parlons dans le contexte d’une maison de vente, est la valeur sur ce que l’on appelle le marché secondaire, c’est-à-dire le prix à la revente. Au-delà de ce prix, un objet peut posséder une valeur émotionnelle, décorative, historique, symbolique - décorrélée de sa valeur financière – donc de son prix. Les œuvres d’art sont par nature des objets uniques et il faut s’intéresser à un faisceau de critères afin de pouvoir les valoriser. Il s’agit au fond de pouvoir se prononcer sur la désirabilité de l’œuvre sur un marché devenu de plus en plus sélectif.

Laurent Issaurat : Merci beaucoup Victoire pour cette remarque introductive essentielle. Maintenant, vous parliez de critères d’évaluation, quels sont-ils spécifiquement, comment appréciez-vous ces critères les uns par rapport aux autres ?

Victoire Gineste : Les deux premiers critères sont intrinsèques, propres à chaque œuvre ou chaque objet d’art : il s'agit de sa qualité et de sa rareté. Entrent en compte par exemple la notoriété de son auteur, évidemment son authenticité, sa datation, son format, le sujet représenté ou encore la technique utilisée. Ainsi, au-delà du prestige du nom de l’artiste, le marché privilégie le meilleur de sa production, ce pour quoi il est connu et donc recherché des collectionneurs. Mais des critères plus subjectifs entrent également en ligne de compte. L’évolution du goût et des styles de vie, l’air du temps et certains effets de mode peuvent avoir une influence directe sur le prix d’une œuvre. Tout comme l’écosystème entourant l’artiste : qui le collectionne, qui le défend sur le marché, est-il représenté dans les collections de grands musées, etc. ?

La notion de « fraîcheur » a aussi son importance. Si une œuvre est une découverte ou une redécouverte, si elle est restée hors marché pendant plusieurs décennies ou proposée pour la première fois aux enchères, si elle est même absolument inédite sur le marché, elle n’en sera que plus désirable. A contrario, quand une œuvre reparaît trop rapidement en vente publique, elle peut subir une décote, voire ne pas se vendre. Un risque qui peut également toucher les œuvres en mauvais état de conservation. C’est un point sur lequel il convient de rester toujours très vigilant.

Par provenance ou « pedigree », enfin, il faut entendre la chronologie de la propriété successive de l'objet mais aussi sa présence lors d’expositions importantes ou sa mention dans des publications de référence. Les œuvres issues de collections prestigieuses ou historiques disposent ainsi d’une sorte de « supplément d’âme » qui impacte positivement leur prix. Dans l’absolu, il n’existe pas un ordre d’importance entre ces différents critères, ils sont tous à prendre en considération – au fond même, chaque collectionneur, chaque acheteur les pondérera en fonction de ses propres priorités.

Laurent Issaurat : Le principe d’une estimation c’est en général de donner un bas et un haut de fourchette, en tout cas, dans la perspective d’une prochaine vente. Pouvez-vous expliquer à quoi correspondent ce haut et ce bas de fourchette, et en particulier, si ce bas de fourchette correspond à ce que l’on appelle par ailleurs le « prix de réserve » ? 

Victoire Gineste : En cas de vente, le prix de réserve représente le minimum en-dessous duquel une œuvre ne sera pas adjugée. La loi impose que le prix de réserve ne puisse être supérieur à l’estimation basse. Il peut, d’un commun accord, être fixé en dessous de l’estimation basse. Dans la majorité des cas, nous suggérons de fixer le prix de réserve à l’estimation basse, et de rediscuter, si nécessaire, la veille de la vente en fonction de l’intérêt que suscite l’œuvre. Bien entendu, le prix de réserve est strictement confidentiel entre le ou les propriétaire(s) de l’œuvre et la maison de vente.

Laurent Issaurat : Il arrive que les recherches de vos experts débouchent sur des découvertes qui modifient significativement la valeur initialement supposée d’un objet. Pouvez-vous nous donner un exemple ?

Victoire Gineste : Oui, nous avons des exemples en abondance, mais aujourd’hui je propose de partager avec vous une histoire dans le domaine de la joaillerie. Il y a quelques années, nous avons été consultés au sujet d’une broche, issue d’une collection privée. Cette broche Art Nouveau, qui représentait une cigale, devait passer en vente aux enchères avec une estimation initiale de 20 000 à 30 000 €. Mais la finesse de l’émail, sa délicate polychromie et le travail d’articulation des ailes ont retenu notre attention. Nous avons fait des recherches pour déterminer qui pouvait être à l’origine d’une pièce si raffinée et c’est ainsi que nous avons découvert le dessin d’une broche similaire dans un livre mettant la maison Boucheron à l’honneur. Nous nous sommes donc rapprochés de leurs équipes et avons obtenu la confirmation tant attendue : la cigale était bien une œuvre de la maison Boucheron. Cette dernière a alors édité un certificat pour la broche et délivré quelques informations complémentaires. La cigale qui nous avait été confiée était l’un des sept rares exemplaires réalisés dans les années 1900. L’estimation a donc été relevée à une fourchette de 50 000 à 80 000 €.  Lors de la vente, cette estimation sera finalement largement dépassée pour atteindre un résultat final de 355 500€ (2), avec les frais acheteurs.

Pour en savoir plus sur nos services d’Art Banking, nous vous invitons à solliciter votre Banquier Privé.

Les brèves

Nous vous souhaitons un bel été ! Prochaine édition de votre lettre d’information en septembre.

Société Générale Private Banking France a reçu le prix de l’Éducation Financière décerné par l’AGEFI lors des Coupole de l’Audace.

(1) Christie’s est une référence internationale du monde l’art et des maisons d’enchères. Elle fait partie des partenaires de notre Service Art Banking.

(2) Prix incluant la commission acheteur, ajoutée au prix marteau ; cette commission est déterminée selon un barème, publié par la maison de ventes d’enchères publié à l’avance.

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