La forêt occupe une place centrale dans le patrimoine naturel et culturel de la France. Au-delà de sa beauté, elle joue un rôle crucial dans la régulation du climat, la protection de la biodiversité et la fourniture de ressources naturelles. En France, le marché de la forêt présente une dynamique complexe, où les enjeux économiques s'entrelacent avec la nécessité de préserver cet écosystème fragile. Entretien avec Matthieu Gombault, Responsable des solutions d’investissement vins et forêts chez Société Générale Private Banking.
Matthieu Gombault
Après l’obtention de son Master spécialisé en gestion de patrimoine à l’ESCP EAP Paris, Matthieu débute sa carrière chez Société Générale Private Banking en qualité d’analyste Hedge Funds en 2007. Il devient ensuite analyste en Private Equity(1), avant de rejoindre le centre régional de Bordeaux en tant que conseiller en investissement en 2014.Depuis 2017, Matthieu construit des solutions d’investissement dans les domaines du vin et de la forêt en collaboration avec différents partenaires.
Pouvez-vous nous présenter, en quelques mots, la diversité du marché forestier ?
Dans le monde, les forêts occupent environ 31 %(2) de la superficie terrestre. Le Brésil, la Russie, le Canada et les États-Unis figurent parmi les pays possédant les plus grandes étendues forestières.
En Europe, les forêts couvrent environ 45 % de la superficie totale(3), offrant une richesse biologique et une variété de fonctions écologiques cruciales. La Suède, la Finlande et l'Espagne sont les trois pays européens avec les plus vastes étendues forestières.
La France ne fait pas exception dans le paysage forestier mondial puisque la forêt française couvre environ 31 %(4) du territoire hexagonal. Avec plus de 16,8 millions d'hectares de forêt dont 12,7 millions de forêts privées, et 190 essences (3 250 en outre-mer)(3), la France possède également une grande surface forestière, contribuant ainsi à l'économie nationale. Le marché de la forêt comprend la vente et l'achat de terrains forestiers, la gestion sylvicole(5), la production de bois, ainsi que le développement d'activités récréatives et touristiques. Les propriétaires forestiers, qu'ils soient privés, publics ou institutionnels, jouent un rôle essentiel dans la gestion et l'exploitation durable de ces espaces.
Plus précisément, pouvez-vous nous expliquer comment valoriser économiquement une forêt ?
La forêt française est une source majeure de matière première : le bois. L'industrie du bois alimente de nombreux secteurs tels que la construction, l'ameublement, l'énergie et l'industrie papetière. En 2022, le secteur de la filière bois a généré un chiffre d'affaires de plus de 47 milliards d'euros, contribuant ainsi à l'économie nationale(6). La demande croissante en produits forestiers et les avancées technologiques ont conduit à une intensification de la gestion forestière, avec des pratiques visant à maximiser la production de bois tout en assurant la régénération des arbres.
Quel lien peut-on faire entre investissement financier et patrimoine ?
L'investissement financier dans la forêt prend de l'ampleur en France. Les forêts sont de plus en plus considérées comme des actifs de valeur, non seulement pour leur potentiel économique, mais aussi pour leur rôle dans la préservation de l'environnement.
Il existe deux principales façons d'investir en forêt en France :
- l'acquisition directe de terrains forestiers, permettant aux investisseurs de devenir propriétaires de parcelles de forêt;
- l’investissement dans des groupements forestiers qui gèrent et exploitent des forêts de manière collective. Les groupements forestiers sont plus accessibles, grâce à un ticket d’entrée plus abordable, pour les investisseurs qui souhaitent diversifier leur portefeuille sans avoir à gérer activement la forêt.
Le gouvernement français a mis en place des mesures fiscales encourageantes pour favoriser l'investissement en forêt. Les investisseurs bénéficient de crédits d’impôts au titre de leurs investissements forestiers et d’abattements au titre des plus-values générées par la vente de bois et forêts. L'investissement en groupements forestiers peut également permettre, sous conditions, de réduire l'impôt sur la fortune immobilière(7) (IFI). Enfin, la loi Sérot–Monichon favorise la transmission à titre gratuit (par donation ou succession) d’actifs forestiers en permettant, sous conditions, une exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit.
Quels sont les enjeux de la Durabilité ?
Les forêts jouent un rôle essentiel dans la lutte contre le changement climatique en stockant le carbone et en régulant les cycles de l'eau.
La quête de productivité doit donc être équilibrée avec la préservation des écosystèmes forestiers. La déforestation, la fragmentation des habitats et la surexploitation sont des préoccupations majeures. Selon les données de l'Office national des forêts, entre 2006 et 2016, la France a perdu environ 73 000 hectares de forêt, soit une moyenne de 7 300 hectares par an(3). Mais globalement, depuis la seconde moitié du 20e siècle, la surface forestière s’est considérablement accrue (+ 20 % depuis 1985). La France s'est engagée à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050(8), ce qui nécessite une gestion forestière durable et une restauration des écosystèmes dégradés.
Quelle certification régule le marché de la forêt en France ?
La certification forestière, telle que le label FSC (Forest Stewardship Council), joue un rôle crucial dans la promotion d'une gestion responsable des forêts. Elle garantit que le bois et les produits forestiers proviennent de sources durables, respectant des critères sociaux et environnementaux stricts. En 2021, environ 40 % des forêts certifiées FSC en Europe se trouvaient en France, soulignant l'engagement du pays envers la durabilité forestière(9).
Le marché de la forêt en France reflète un équilibre délicat entre l'exploitation économique et la protection environnementale. Si la demande croissante en bois et en produits forestiers constitue un moteur économique, la préservation des écosystèmes forestiers et la lutte contre le changement climatique sont des impératifs incontournables. En conjuguant gestion durable, certification, sensibilisation du public, investissement financier, reconnaissance de la valeur patrimoniale, avantages fiscaux et prise en compte du panorama global, la France peut garantir que ses forêts continueront à prospérer tout en préservant leur riche biodiversité pour les générations futures.