La protection du conjoint survivant est une préoccupation majeure et courante des époux. Comme dans bien des cas, l’anticipation est la clé de la sérénité. Pour autant anticiper et aménager le cas échéant les dispositions qui auront pu être prises du vivant des époux nécessite en amont d’avoir une bonne connaissance des mesures de protection offertes par la Loi.
Nous vous proposons dans les lignes qui suivent un tour d’horizon de ces dernières.
En cas de décès de l’un des époux, la protection du survivant est encadrée par un dispositif légal qui peut éventuellement être complété, selon la volonté des époux, par des avantages matrimoniaux ou des libéralités au dernier vivant que les époux se seraient consentis réciproquement de leur vivant.
Selon l’article 732 du Code civil, le conjoint survivant n’est successible que dans la mesure où il n’a pas divorcé. En effet, le conjoint survivant séparé de corps conserve ses droits dans la succession de son époux décédé(1).
Les droits légaux du conjoint survivant dans la succession sont de trois ordres : un droit dans l’actif net successoral, un droit sur le logement ainsi qu’un droit à pension.
Les droits du conjoint survivant dans l’actif net successoral
La nature et l’étendue des droits du conjoint survivant vont dépendre de la qualité des héritiers avec lesquels il va se trouver en concours à l’ouverture de la succession du défunt (art. 757 du Code civil) :
- En présence de descendants issus du couple, il pourra opter pour la totalité de la succession en usufruit ou pour un quart en pleine propriété ;
- En présence de descendants issus d’un autre lit, il n’aura droit qu’à un quart de la succession en pleine propriété ;
- En l’absence de descendants et en présence des père et mère du défunt, il aura vocation à recueillir la moitié de la succession en pleine propriété ;
- En l’absence de descendants et en présence du père ou de la mère du défunt, le conjoint survivant aura droit aux trois quarts en pleine propriété ;
- En l’absence de descendants et des père et mère du défunt, il pourra recueillir toute la succession en pleine propriété évinçant ainsi les autres ascendants(2) et les frères et sœurs du défunt. Cependant, un droit de retour légal peut être exercé sous certaines conditions par les frères et sœurs sur la moitié des biens reçus par le défunt de ses père et mère par donation ou succession(3).
En outre, en l’absence de descendant, le conjoint survivant aura la qualité d’héritier réservataire à hauteur du quart en pleine propriété de la succession. Ainsi, les libéralités consenties par le défunt par acte entre vifs ou par testament ne pourront pas excéder les trois quarts de la succession.
Le droit au logement du conjoint survivant
Le conjoint survivant sera titulaire de deux droits distincts sur le logement qu’il occupait effectivement à titre d’habitation principale au moment du décès : un droit au logement temporaire et un droit au logement viager(4).
Ceux-ci sont complétés par le droit de se prévaloir d’une attribution préférentielle du logement dans le cadre du partage.
Le droit temporaire au logement
Le conjoint survivant dispose de ce droit dès lors qu’il est successible et qu’il occupait effectivement le logement à titre d’habitation principale. Ce droit s’exerce que le logement constitue un bien commun, un bien indivis ou un bien propre du défunt. Le droit au logement temporaire confère au conjoint survivant la jouissance gratuite de l’habitation principale pendant un an, ainsi que du mobilier le garnissant.
Si les époux étaient locataires de leur résidence principale, le conjoint survivant bénéficiera du droit de se faire rembourser par la succession les loyers durant une année, peu importe que les titulaires du bail aient été les époux ou uniquement le défunt.
Si le logement était détenu en indivision entre le défunt et des tiers, le conjoint pourra rester dans les lieux pendant une année s’il le souhaite, la succession prenant à sa charge le paiement de l'indemnité d'occupation due aux coindivisaires.
Ce droit étant d’ordre public, le défunt ne peut pas en priver son conjoint (même par testament authentique). Par ailleurs, s’agissant d’un effet direct du mariage, il n’est pas taxable aux droits de succession ni imputable sur les droits successoraux du conjoint survivant.
Le droit viager au logement
Le droit au logement viager confère au conjoint survivant un droit d’habitation sur celui-ci et un droit d’usage sur le mobilier de la succession le garnissant jusqu’à son propre décès.
Le conjoint survivant dispose de ce droit dès lors qu’il est successible et qu’il occupait effectivement le logement à titre d’habitation principale. Il dispose d’un délai d’un an à compter de l’ouverture de la succession pour s’en prévaloir(5).
La valeur des droits d’habitation et d’usage s’impute sur les droits successoraux recueillis par le conjoint survivant en pleine propriété. Cette imputation suppose donc une évaluation de ce droit viager au logement.
Si le conjoint reçoit l’usufruit sur la totalité de l’actif successoral du défunt (en ce compris la résidence principale), il n’exercera donc pas ce droit d’habitation et d’usage qui se confondra avec son droit plus étendu d’usufruit.
À la différence du droit temporaire au logement, le droit viager ne s’applique pas lorsque le logement des époux est détenu en indivision entre le défunt et des tiers.
Le droit viager au logement est exonéré de droits de succession.
Ce droit peut aussi être converti en rente viagère ou en capital par accord entre le conjoint survivant et les héritiers (art. 765 du Code civil).
Ce droit n’est pas d’ordre public toutefois, pour en priver son conjoint, le défunt devra en faire la mention expresse dans un testament établi impérativement sous la forme authentique.
L’attribution préférentielle sur le logement
L’attribution préférentielle est accordée au conjoint survivant sur la propriété ou sur le droit au bail du logement et du mobilier le garnissant, à condition qu’il s’agisse de son habitation effective ou qu’il y ait eu sa résidence à l'époque du décès.
Le droit à pension du conjoint survivant
Le décès met fin au devoir de secours entre époux. Toutefois, si le conjoint survivant se trouve dans le besoin, il pourra bénéficier d’une créance alimentaire contre la succession du défunt.