Le retour de l’inflation peut-il conduire à une plus grande taxation du patrimoine ?
En matière d’impôt sur le revenu, si les effets de l’inflation sont partiellement compensés par l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu(1), qu’en est-il des réductions d’impôts et des déductions du revenu global ?
En période d’inflation, mieux vaut privilégier les déductions du revenu global ou catégoriel que les réductions d’impôts : en effet, ni les plafonds d’investissement ou les montants des réductions d’impôts, ni le plafonnement global des niches fiscales ne sont revalorisés à quelques exceptions près(2). Par exemple, le montant du plafond d’investissement « Malraux » a été fixé à 400 000 euros en 2009 et n’a pas été revalorisé depuis, alors que l’Indice du Coût de la Construction a progressé de près de 35%(3) sur la même période.
C’est également le cas notamment en matière d’Impôt sur la Fortune (IFI) et de droits de mutation.
Le barème de l’ISF (Impôt sur la Fortune) puis celui de l’IFI adopté en 2018 en remplacement de l’ISF, n’ont pas évolué depuis 2013. Ainsi, la valeur nette globale du patrimoine, seuil de déclenchement de l’IFI, reste bloquée à 1 300 000 €. S’il avait été indexé par exemple sur l’indice des logements neufs et anciens de l’INSEE, il aurait été de 1 685 000 €(4) en 2022.
En conséquence, l’inflation augmente mécaniquement la valeur des actifs réels et notamment des biens ou droits immobiliers seuls concernés par l’IFI. Cela aboutit à imposer progressivement des patrimoines qui ne l’étaient pas lors de l’adoption des seuils et des tranches.
De la même façon, l’absence de revalorisation automatique des abattements et tranches du barème des droits de succession depuis 10 ans, combinée à la valorisation des actifs, explique en partie la très forte augmentation de ces droits (+ 120 % depuis 2010(5)) et a rendu imposables en 2022, des patrimoines « non taxables » jusqu’à présent.
Voilà pourquoi il est important de commencer à transmettre de son vivant et le plus tôt possible, d’autant que les donations sont généralement moins onéreuses que les transmissions successorales (renouvellement des abattements et des tranches basses du barème tous les 15 ans, démembrement et taxation de la seule nue-propriété, etc.).
Le cas est similaire s’agissant de l’assurance vie. Là-encore les abattements n’ont pas évolué. Pour les versements effectués avant 70 ans, l’abattement de 1 000 000 FF par bénéficiaire de l’article 990 I du Code général des impôts, devenu 152 500 € au passage à l’euro, reste inchangé depuis 1998. Revalorisé de l’inflation, il pourrait être de 220 000 € environ. Idem pour les versements après les 70 ans de l’assuré : l’abattement global de 200 000 FF en 1991 (30 500 € au passage à l’euro), revalorisé de l’inflation, atteindrait près de 50 000 €(6).
La non-revalorisation des abattements conduit ainsi à une augmentation globale de la fiscalité successorale de l’assurance vie.
Autre exemple plus anecdotique des effets de la non-indexation : celui de la tontine immobilière.
La loi du 18 janvier 1980 pose le principe que « les biens recueillis en vertu d’une clause [de tontine] sont, au point de vue fiscal, réputés transmis à titre gratuit à chacun des bénéficiaires de l'accroissement » et donc soumis aux droits de succession. Cette disposition ne s’applique pas à l’habitation principale commune à deux acquéreurs dès lors que sa valeur globale est inférieure à 500 000 FF (76 000 €).
Depuis 1980, l’indice du coût de la construction des immeubles à usage d'habitation a été multiplié par 3,58 sur la période(7). Ainsi 500 000 FF de 1980 deviennent 270 000 € en 2022. Voilà comment la loi et la volonté initiale du législateur perdent de leur substance, même si les effets ont été compensés par l’exonération de droits de succession pour le conjoint, le partenaire pacsé et les frères et sœurs sous condition depuis la loi TEPA de 2007. Les concubins et autres non-parents sont les grands perdants de cette absence de revalorisation.
Ainsi, l’inflation et la non-indexation de certains seuils et barèmes conduisent bien souvent à une rupture avec la logique du texte d’origine et à une taxation plus importante du patrimoine.