Décryptage avec Antoine Gloanec, directeur des gestions chez Société Générale Gestion.
Lors de la publication de ses (bons) résultats pour le 2ᵉ trimestre 2024, la société Alphabet (Google) a souligné l’importance des investissements dans l’Intelligence Artificielle (IA), sans avoir parfois beaucoup de visibilité sur le retour sur investissement de certaines dépenses. Ainsi, les investisseurs ont commencé à prendre en compte un concept peu regardé jusqu’alors que l’on peut appeler la « monétisation », c’est-à-dire la capacité des entreprises à dégager des profits supérieurs aux coûts engagés, de nature à faire croître les bénéfices et au final les cours de bourse.
Rappelons qu’au début du siècle, la même problématique s’est posée avec l’essor d’internet. Cette révolution technologique a changé le fonctionnement de nombreuses entreprises sans forcément augmenter leur capacité bénéficiaire. Pire, de nombreuses « stars » de l’époque ont soit disparu, soit sont devenues des acteurs de seconde zone. Qui se souvient du canadien Nortel, de Cisco Systems, un temps 1ʳᵉ capitalisation à Wall Street, ou du géant des médias Time Warner ?
Nous pensons que l'IA pourrait avoir à long terme un impact positif sur la productivité et la croissance du PIB. Toutefois, l'impact ne sera pas linéaire d'un secteur à l'autre, en particulier dans les premières phases. Les entreprises qui investissent déjà massivement dans les technologies de l'IA sont les plus susceptibles de voir leurs revenus et/ou leur rentabilité augmenter, mais des déceptions se produiront en raison d'une pression concurrentielle accrue et nouvelle, ainsi que d’une rentabilité aléatoire de certains projets, au regard des dépenses engagées.

Source : Amundi Institute
Avec les attentes croissantes autour de l'IA, le secteur technologique et les méga-capitalisations américaines ont fortement surperformé ces derniers temps, ce qui a entraîné une plus grande concentration du marché. En particulier, les sociétés technologiques américaines ont progressé de 300 % depuis le début de l'année 2019, tandis que les valeurs non technologiques n'ont gagné que 79 %. Ces performances des valeurs technologiques ont été tirées par une croissance robuste des bénéfices des méga-capitalisations américaines, un contexte économique favorable et le lancement de ChatGPT 3.5 qui a entraîné un cycle d'investissement dans les technologies de l'IA. Les investisseurs peuvent être amenés à réévaluer des niveaux de valorisation du secteur technologique et à déterminer les entreprises qui sont susceptibles d'être les futurs gagnants et perdants du marché.

Source : Amundi Investment Institute sur Bloomberg. Données au 18 juillet 2024. Données rebasées 100 au 1ᵉʳ janvier 2020. Magnificent 7 est un indice pondéré S&P500 des 7 Magnifiques(1). Les prix sont indexés en USD.
Pour être un « gagnant », une entreprise doit non seulement être un précurseur en termes d'investissement dans l'IA, mais aussi posséder un avantage en matière de données propriétaires, un avantage concurrentiel et une capacité à innover avec succès. Dans le cas contraire, les avantages liés à l'utilisation des technologies de l'IA pourraient être réduits à néant par la concurrence.
Nous mettons l'accent sur les secteurs qui pourraient bénéficier d’un impact significatif de l'IA, au-delà des sociétés spécialisées, telles que les secteurs des logiciels et des services, des médias et du divertissement, des services commerciaux et professionnels et de l'industrie. Notre attention se porte également sur les secteurs où l'IA jouera un rôle important, mais où les résultats à long terme pour la croissance et les marges sont incertains. Il s'agit notamment du secteur financier, qui est l'un des premiers à adopter l'IA, et du secteur de la santé, qui investit déjà des capitaux considérables dans l'IA.
En conclusion, l’IA aura indéniablement un impact sur la plupart des activités humaines dans les prochaines années, mais il faut éviter de céder aux effets de mode qui peuvent entrainer d’excessives valorisations sur certains titres. C’est pourquoi, au sein des portefeuilles gérés sous mandat pour les clients de Société Générale Private Banking, après avoir enregistré de très belles performances sur le secteur de la technologie américaine, nous avons préféré prendre quelques bénéfices en fin de
2ᵉ trimestre 2024. Tout pic de volatilité, à l'image de ce que nous avons connu durant l'été, sera mis à profit pour ajuster les positions, notamment sur ces valeurs technologiques américaines.