La résurgence de l’inflation est alimentée par une multitude de facteurs dont la plupart sont assortis de perspectives incertaines. L’inflation des coûts, la rupture de chaînes d’approvisionnement et la surchauffe du marché de l’emploi sont autant de facteurs d’une interaction complexe dans la lecture des perspectives économiques mondiales. Cette succession de chocs, impliquant une diffusion de ces tensions à l’ensemble des prix des biens et services, a provoqué une remontée généralisée des taux d’intérêt, brisant un long cycle de baisse.
Pour décrypter cette situation inédite, entretien avec Valéry NKAKE, Directeur des gestions et gérant chez SG 29 Haussmann(1).
Quel rôle les banques centrales jouent-elles dans l’appréhension du marché par les investisseurs ?
Les banques centrales font de la maîtrise de l’inflation une priorité absolue, tout en mesurant le risque d’un tel ajustement sur la croissance. Confrontées à ce revirement rapide, elles divergent sur les approches à suivre, alimentant ainsi les incertitudes. Alors que la Réserve Fédérale (FED – banque centrale des États-Unis) prône pour un durcissement monétaire strict misant sur la résilience de l’activité américaine, la BCE (Banque Centrale Européenne) pour sa part, souhaite conserver une marge d’adaptation liée à l’évolution des données économiques.
Pour les investisseurs dont le moral est mis à rude épreuve, la prise en compte d’une inflation plus forte et durable est désormais incontournable. Pour eux, le pilotage par les banquiers centraux de ce nouveau paradigme reste la clé d’interprétation des anticipations d’inflation. Au-delà de l’inflation constatée, l’orientation des marchés et de celui des obligations en particulier sera guidé par ces anticipations d’inflation.
Comment se comporter en tant qu’investisseur dans ce contexte ?
Les conséquences de l’inflation sur l’économie et les différentes classes d’actifs dépendront principalement de sa persistance potentielle à des niveaux élevés. Afin d’en atténuer les risques ou de protéger les portefeuilles investis des effets corrosifs d’une inflation galopante, un ajustement des stratégies d’investissement s’impose avec une réorientation vers des thématiques dites de duration courte ou des classes d’actifs susceptibles d’offrir une diversification efficace de l’allocation d’actifs.
Certaines classes d’actifs peuvent être impactées positivement par l’inflation en raison d’une sensibilité haussière sur les flux de trésorerie générés. D’autres classes d’actifs connaissent un ajustement de leur valorisation avec la remontée des taux d’actualisation(2). L’illustration la plus évidente de ce mécanisme peut s’observer sur les obligations, où la hausse de rendements entraîne mécaniquement la baisse des cours obligataires. Aussi, les multiples de valorisations des actions (ratio cours/bénéfice) s’ajustent à la baisse avec la hausse du taux d’actualisation.
Vers quelles classes d’actifs se tourner pour atténuer les effets de l’inflation ?
L’inflation affecte donc de manière directe la valorisation des obligations, dont on peut atténuer l’impact en privilégiant les durations courtes ou les obligations indexées sur l’inflation. Pour les obligations d’entreprises, malgré l’impact de la hausse du taux sans risque sur les gains potentiels, les firmes affichant une solvabilité solide resteront attractives dans un régime d’inflation normalisée.
S’agissant de la classe d’actifs des actions, elle est bien positionnée pour bénéficier d’un régime d’inflation voire inflationniste. Par exemple, les entreprises du secteur bancaire et de l’énergie sont identifiées comme pouvant profiter d’une hausse de leur flux de trésorerie. Ainsi, les entreprises détenant une forte capacité de fixation des prix ou de protection de leurs marges sont à privilégier. Les actions dites « value » (décotées), ou celles qui versent un dividende élevé sont également à considérer.
Qu’en est-il de l’or et des actifs réels ?
L’or est un actif qui bénéficie globalement de la hausse de l’inflation, même s’il ne permet pas une protection parfaite. Il est souvent considéré comme valeur refuge avec une corrélation négative aux rendements réels.
Certains actifs réels (immobilier, capital-investissement, infrastructures…) peuvent constituer aussi une protection contre l'inflation. En effet, le taux servant de base à l’ajustement de leur valorisation peut s’avérer moins sensible que les rendements obligataires de référence. Cet effet est favorisé par l’illiquidité(3) de ces actifs. Néanmoins, une récession(4) les impacterait négativement.
Dans ce contexte de changement majeur, s’il est important de rester investi dans une perspective moyen/long terme, il reste tout aussi primordial d’engager une diversification appropriée de son allocation d’actifs afin de protéger le capital investi.
Nos experts se tiennent à votre disposition pour vous accompagner dans vos réflexions et perspectives d’investissement.