Chef d’entreprise, industriel et philanthrope, Pierre Gattaz incarne une nouvelle vision de l’engagement social. L’association qu’il a fondée, Y Croire et Agir, a permis à plus de 1500 personnes de se réinsérer socialement en quatre ans, en agissant au sein des territoires français les plus dévitalisés économiquement. Découvrez le portrait de Pierre Gattaz, un homme qui allie pragmatisme et audace.
Pierre Gattaz
Pierre Gattaz a débuté sa carrière en tant que chef de projet chez Dassault. Il dirige depuis 1992 l’entreprise familiale Radiall spécialisée dans les systèmes d’interconnexions électroniques.En parallèle, il a été président de la FIEEC (Fédération des industries électriques, électroniques et de communication) de 2007 à 2013, du (GFI Groupement des Fédérations Industrielles) en 2010 et 2013, avant de devenir président du Medef jusqu'en 2018. Il a par la suite été président de Business Europe (le patronat européen) jusqu’en 2022.
Pierre Gattaz se consacre également à ses engagements philanthropiques, notamment à travers l’association Y Croire et Agir. Il est par ailleurs un soutien constant depuis plusieurs années des WorldSkills, la compétition de métiers, qui met en avant les jeunes passionnés par leurs métiers et engagés vers l’excellence. En parallèle de ses activités philanthropiques, Pierre Gattaz s’est lancé dans la production de vins et a acquis un domaine vinicole, le Château de Sannes en Luberon, qu’il a entrepris de convertir aux méthodes bio.
« L’engagement est une fibre familiale et entrepreneuriale »
Pierre Gattaz n’a jamais dissocié sa carrière de chef d’entreprise de son engagement pour autrui. « J’ai toujours eu une fibre philanthropique. Quand on est entrepreneur et industriel en France, on ne peut ignorer l’importance de l’humain et du collectif ». Depuis 1992, Pierre Gattaz dirige Radiall, une entreprise familiale créée en 1952 par son père, Yvon Gattaz, et son oncle Lucien, et dont il a assuré le développement international (l’entreprise assure 90 % de son chiffre d’affaires grâce à l’exportation de composants électroniques). Pierre Gattaz tire une grande fierté d’avoir réussi à maintenir l’activité sur le sol français tout en ouvrant de nouvelles usines et en créant des emplois. « J’estime que les entrepreneurs ont la responsabilité de conserver une présence industrielle forte dans les territoires. Cela a un impact direct sur les emplois, les familles, le tissu économique local ».
Cette approche humaine, « qui allie bienveillance et exigence », s’est déclinée dans un projet philanthropique lorsque, alors président du Medef, Pierre Gattaz rencontre Moussa Camara. Il aidera Moussa Camara à fonder l’association Les Déterminés, qui vise à former les jeunes des quartiers prioritaires de la ville à l’entreprenariat. « Cette rencontre a été décisive. J’ai vu l’étincelle dans les yeux des jeunes, à la fin des formations. Ils retrouvaient confiance en eux, en leurs idées, en leur avenir. J’ai voulu aller plus loin ».
Une philanthropie ancrée dans les territoires
En 2020, Pierre Gattaz crée Y Croire et Agir : loin des philanthropes plus traditionnels qui consentent des dons à des projets existants, l’entrepreneur opte pour une philanthropie opérationnelle, tournée vers l’action directe au sein des territoires. Il crée ainsi une association dont les premières promotions voient le jour dans les Hauts-de-France, région fortement marquée par la désindustrialisation et le chômage de longue durée. Sa mission est d’œuvrer au cœur des territoires, avec les acteurs locaux de l’insertion et du monde économique, pour mener des actions de remobilisation destinées aux personnes éloignées de l’emploi.
« Nous travaillons avec des personnes souvent cassées par la vie, leur redonnant une estime d’eux-mêmes. Notre pédagogie repose sur trois étapes : une introspection individuelle et collective, pour identifier leurs passions et leurs moteurs, suivie d’un accompagnement pratique de trois semaines. Enfin, nous les aidons à s’intégrer dans un réseau, pour briser l’isolement et retrouver le chemin de l’insertion professionnelle, que cela se traduise par la création d’une autoentreprise, par un emploi salarié ou par un parcours de formation adapté aux aspirations de chacun ».
En quatre ans, Y Croire et Agir a formé 1 500 personnes, principalement dans les Hauts-de-France, en partenariat avec les institutions et les entreprises locales, notamment avec France Travail qui a permis de cibler les bénéficiaires. Les trois quarts d’entre eux ont ainsi retrouvé le chemin de l’emploi ou de la formation.
Concilier entreprenariat et responsabilité sociétale
« Dans le contexte actuel de la France, je suis convaincu que la responsabilité des entreprises en tant qu’actrices du progrès social va s’accroître. Je crois d’ailleurs qu’il faut réhumaniser l’entreprise, et réconcilier l’humain et son outil de travail ». Pour Pierre Gattaz, les entreprises doivent aujourd’hui plus que jamais contribuer à la revitalisation des territoires français pour y maintenir des emplois et un tissu économique et social. Elles peuvent également s’engager dans la philanthropie, dans le cadre du développement de leur stratégie de responsabilité sociale (RSE) en développant un programme de mécénat de compétences, ou en soutenant des associations qui agissent localement, comme Y Croire et Agir, dans le cadre de leur mécénat.
« Certaines entreprises nous soutiennent financièrement ; d’autres mobilisent leurs collaborateurs pour venir nous aider dans notre mission ; certains patrons autodidactes apportent un témoignage très précieux pour redonner de l’élan aux personnes que nous accompagnons ». Pour le chef d’entreprise, une philanthropie efficace est une philanthropie collective et locale. Il constate que si de nombreuses associations agissent dans les quartiers périphériques des grandes métropoles françaises, elles sont moins nombreuses à agir au cœur des territoires et de la ruralité. « Nous accueillons toutes les bonnes volontés pour venir nous aider à décupler notre impact ».
Pour Pierre Gattaz, la philanthropie constitue un formidable laboratoire d’expérimentation et d’innovation sociale, mais il est fondamental que les entreprises prennent le relais pour que ces dispositifs efficaces soient déployés à grande échelle. En philanthropie, on parlerait « d’essaimage » ; quand l’entrepreneur emploie plutôt le terme « d’industrialisation du modèle ».
« Y Croire et Agir est, en quelque sorte, un sas de décompression, comme en plongée : mon souhait est d’aider de manière ponctuelle, à un moment critique, une personne qui a des difficultés temporaires, pour lui remettre le pied à l’étrier du monde économique ».